«YGC et le sommet mondial sur les solutions ont été l’une des expériences les plus palpitantes de ma vie. Je me sens honorée d'avoir été sélectionnée pour faire partie d'un programme aussi prestigieux », s’enorgueillit Alice Sparks. Ce mercredi 20 mars 2019, au siège de la Fondation Friedrich Ebert à Berlin, elle passe les derniers moments de sa participation à l’édition 2019 du programme Young Global Changers (YGC). Alice assure qu’elle rentre chez elle à Manchester, avec «une immense motivation et le courage» qu’elle a «réellement le pouvoir d’impacter positivement le monde.»
«Notre objectif est de remettre en cause les stéréotypes liés au sans-abrisme, considéré comme un concept déshumanisant par bon nombre de personnes.»
Titulaire d’une licence en politique et histoire moderne, la Britannique de 21 ans fait partie des 90 jeunes de la cohorte 2019 du programme Young Global Changers du Global Solutions Initiatives (GSI). Etudiants et professionnels, les YGC, originaires de diverses parties du monde, actifs dans leurs communautés, ont été retenus sur plus de 3000 dossiers de candidatures. Le programme a deux volets. L’université d’été de trois jours et la participation des bénéficiaires au Global Solutions Summit (sommet sur les solutions globales), initiative annuelle de GSI, qui sert de tremplin à la réunion des leaders du G20. Ses objectifs sont de trois ordres. Il vise à fournir aux participants de nouvelles aptitudes, connaissances et réseaux qui leur permettront de créer des changements positifs dans le monde, les mobiliser à échanger avec les différentes parties prenantes au sommet, puis les soutenir dans le développement d’idées d’actions à entreprendre après le sommet.
Alice Sparks a été sélectionnée pour ce programme compétitif grâce à «invisible Manchester», son entreprise sociale fondée en octobre 2017, de retour d’une immersion professionnelle dans une entreprise sociale au Rwanda, pour s’attaquer au problème des sans-abris à Manchester. Après une première année consacrée à la recherche de financement, au réseautage et l’établissement d’une relation de confiance avec les associations de sans-abris, l’entreprise démarré effectivement ses activités en octobre 2018. «Notre objectif est de remettre en cause les stéréotypes liés au sans-abrisme, considéré comme un concept déshumanisant par bon nombre de personnes. Le sans-abrisme détruit l’estime de soi chez les sans-abris étant donné qu’ils deviennent des invisibles de la société», justifie Alice. Selon les statistiques officielles, à la date du 31 janvier 2019, la métropole de Manchester comptait 241 sans-abris. D’autres chiffres publiés par The Guardian en 2019 révèlent que Manchester a enregistré le plus grand taux de décès de sans-abris. Selon une enquête réalisée par BBC News en 2017, sur demande de Charity Street Soccer Scotland, 41% des enquêtés ont avoué avoir peur des sans-abris. Pour contribuer à régler ce problème, «Invisible Manchester» offre des formations aux sans-abris de Manchester pour faire d’eux des guides de touristes et des orateurs de conférences. «Nous fournissons un soutien pour chaque aspect de leur vie. Les visites créent une atmosphère unique qui permet aux clients d’être un peu plus attentifs à leur environnement. C’est spécial de voir un groupe de 10 ou 15 clients écouter religieusement et traiter avec respect un guide touristique sans-abris», témoigne-t-elle.
Niches d’opportunités
La taille de l’économie touristique de Manchester et les nouvelles tendances du secteur en font bien un secteur pour redonner de l’espoir aux sans-abris. Citant un article paru dans Manchester Evening News en 2017, la fondatrice de «Invisible Manchester» renseigne que le secteur touristique de la région métropolitaine de Manchester attire 119 millions de visiteurs par an, génère 7,9 milliards d’euro, avec 94 000 emplois; faisant de Manchester la troisième destination touristique du Royaume-Uni. Le secteur touristique, dans cette ville qui abrite deux des plus grands clubs de football d’Europe, devrait connaître une croissance de 25% d'ici 2020. «Au fur et à mesure que le secteur du tourisme se développe», rapporte Alice, «les attentes du touriste grandissent. Deux principales tendances se dégagent; tourisme authentique et tourisme durable. Il existe une demande croissante pour un tourisme plus authentique, les gens sont désireux d'avoir une interaction locale avec la ville qu'ils visitent. Le tourisme durable est en expansion dans le monde entier.» La clientèle cible de «Invisible Manchester», pour ses guides touristiques sans abris, indique-t-elle, est «le "Consommateur Conscient", un voyageur qui aime pratiquer des activités locales, personnelles et qui ont un impact sur le terrain.»
"Invisible Manchester" redonne de l'espoir à Dani
«Invisible Manchester» a déjà entièrement formé et rendu opérationnel un guide touristique. Il gagne 20 euro par tour. L’entreprise a cinq autres guides en formation et quatre bénévoles. Avec cette équipe, Invisible Manchester a, à son actif, 224 tours, des présentations publiques à des conférences, dans des écoles ou à des événements devant une audience, en tout de 500 personnes. Les ressources générées sont réinvesties dans des projets individuels des guides ou dans des initiatives sociales. À Édimbourg, l’entreprise finance un salon de coiffure. À Manchester, elle aide son unique guide à réaliser un de ses rêves: publier un receuil livre de poeme.
Action locale, impact mondial
«Invisible Manchester» est une branche de «Invisible Cities», représenté à Edinburgh (Invisible Edinburgh) et Glasgow (Invisible Glasgow). Le groupe devrait s’étendre dans une quatrième ville anglaise, York, en juin prochain. «Invisible Cities», est une entreprise sociale GLOCAL. Elle travaille au niveau local pour une portée mondiale. Dans leurs projections, à moyens termes, Alice et son équipe ne veulent pas trop embrasser, au risque de mal étreindre. «Nous pouvons garder de petites équipes dans les villes où nous nous trouvons - 5 guides maximum par ville - car nous voulons nous concentrer sur la qualité du soutien fourni et permettre aux guides d’être des acteurs de leurs communautés», souligne Alice.
La leader de «Invisible Manchester» dit être consciente de la complexité des besoins des sans-abris. Ce qui constitue un défi pour la pérennité de l’impact des actions de son entreprise. «Nous pensons pouvoir surmonter ces risques en fournissant un réseau de soutien solide. En plus, nous souhaitons offrir à nos guides plus d'opportunités de développement personnel et de croissance en proposant une formation continue de haute qualité », veut anticiper l’entreprise sociale.
Alice Sparks, à droite
Après 5 jours d’intenses activités au Summer school et au Global Solutions Summit, la Young Global Changer rentre chez elle plus que galvanisée. «Cette opportunité jouera un rôle essentiel dans ma future carrière», professe-t-elle.
«J'ai l'impression que ma tête est au bord de l'explosion compte tenu de la quantité d'informations que j'ai absorbées et de personnes fantastiques rencontrées», fait-elle savoir.