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Cour de justice de la Cedeao: le Bénin annule la possibilité de plainte directe par ses citoyens

Cour de justice de la Cedeao: le Bénin annule la possibilité de plainte directe par ses citoyens

Dans une décision rendue le 30 avril 2020, la Cour constitutionnelle présidée par Joseph Djogbénou, établit que le protocole additionnel qui permet aux citoyens béninois de saisir directement la Cour de justice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) n’est pas opposable à l’Etat béninois. Mais la décision de la Cour Djogbénou ne retire pas le Bénin de la Cour de justice de la CEDEAO, comme l’entendent certains.

Dans une décision rendue le 30 avril 2020, la Cour constitutionnelle présidée par Joseph Djogbénou, établit que le protocole additionnel qui permet aux citoyens béninois de saisir directement la Cour de justice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) n’est pas opposable à l’Etat béninois. Mais la décision de la Cour Djogbénou ne retire pas le Bénin de la Cour de justice de la CEDEAO, comme l’entendent certains.

joseph djogbenou Professeur Joseph Djogbénou, président de la Cour constitutionnelle du Bénin

 

Le 23 mars 2020, le citoyen Michel Ahohou a saisi la Cour constitutionnel du Bénin d’un « recours en annulation de toutes les décisions rendues par la Cour de justice de la CEDEAO à l’égard Bénin sur le fondement de l’article 9 du protocole additionnel ».

Dans sa requête, il rappelle que le Bénin a été poursuivi et condamné plusieurs fois devant la Cour de justice de la CEDEAO pour « manquements aux instruments communautaires de protection des droits humains, sur le fondement de l’article 9 du protocole additionnel A/SP.1/01/05 du 19 janvier 2005 portant amendement du préambule, des articles 1,2,9,22 et 30 relatif à la Cour de justice de la communauté, ainsi que l’article 4 paragraphe 1 de la version anglaise dudit protocole ».

Pourtant, poursuit le requérant, le protocole originaire portant création de la Cour de justice (A/P.1/7/91) signé et ratifié par le Bénin n’instaurait pas les recours individuels contre les Etats membres.

Ce protocole originaire limite la compétence de la Cour de justice aux différends entre un ou plusieurs Etats membres et les institutions de la CEDEAO à l’occasion de l’interprétation ou de l’application des dispositions du Traité portant création de la CEDEAO.

La possibilité de recours individuels a été instituée par le protocole additionnel de 2005 (A/SP.1/01/05) qui donne compétence à la Cour de justice de «connaître des cas de violation de droits de l'Homme dans tout Etat Membre... » (article 9).

Le requérant soutient que ce protocole additionnel, qui modifie des lois interne « en ce qu’il étend le champ d’abandon par l’Etat de sa souveraineté », devrait être ratifié par l’Etat béninois avant de lui être opposable.

Il fonde son argumentaire sur l’alinéa 1 de l’article 145 de la constitution béninoise qui prescrit que les traités ou accords internationaux qui ne peuvent être ratifié qu’en vertu d’une loi.

Pour le citoyen Michel Ahohou, le protocole additionnel n’ayant pas suivi cette procédure, la Cour constitutionnelle doit le juger inapplicable au Bénin et « déclarer nulles et non avenues » toutes les décisions rendues par la Cour de justice à l’égard du pays sur le fondement du protocole additionnel.  

Décision de la Cour constitutionnelle

Dans sa décision Dcc N° 20-434 du 30 avril 2020 la Cour constitutionnelle donne raison au requérant Michel Ahohou. Ci-dessous les trois articles de la décision.

Article 1er.-Dit que le protocole additionnel A/SP. 1/01/05 du 19 janvier 2005 n'est pas opposable à l'Etat du Bénin pour n'avoir pas été ratifié en vertu d'une loi votée par l'Assemblée nationale, promulguée et publiée au Journal officiel.

Article 2.-Dit que les gouvernements successifs qui ont donné suite aux différentes procédures engagées sur le fondement du protocole additionnel de la CEDEAO A/SP. 1/01/05 du 19 janvier 2005 en l'absence d'une loi de ratification, promulguée et publiée au Journal officiel, ont violé l'article 35 de la Constitution.

Article 3.- Dit que tous les actes qui résultent de la mise en œuvre du protocole additionnel de la CEDEAO A/SP. 1/01/05 du 19 janvier 2005 sont non avenus à l'égard du Bénin.

Extraits des motifs avancés par la Cour

  • La ratification de ce protocole originaire signé à Abuja (République fédérale du Nigéria) le 6 juillet 1991 par l’autorité compétente agissant au nom de la République du Bénin  fut autorisée par l’Assemblée nationale suivant la loi n° 97-021 portant autorisation de ratification du protocole A/P.1/ 91 de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) relatif à la Cour de justice de la communauté et promulguée le 20 juin 1997 ; 

  • A la lecture du texte 9, les recours individuels n’étaient pas admis devant la Cour de justice instituée par ce Protocole

  • Le protocole additionnel A/SP. 1/01/05 du 19 janvier 2005 ne saurait être opposable à l'Etat du Bénin qu'à la suite de son introduction régulière dans l'ordre interne par un décret de ratification pris suite à une loi d'autorisation de ratification adoptée par l'Assemblée nationale, promulguée par le président de la République et publiée au journal officiel de la République du Bénin ;

  • Le protocole additionnel érige la Cour de justice communautaire en juge supranational de la violation des droits humains censée être commise au Bénin et modifie l'organisation des juridictions nationales et les lois qui les régissent, ce protocole aurait dû être ratifié selon la procédure instituée à l'article 145, alinéa 1 de la Constitution ;

  • Ne l'ayant pas fait et ayant donné suite aux différentes procédures engagées sur le fondement de ce protocole, les gouvernements successifs de l'Etat ont privé leur action des devoirs de conscience, de compétence et de probité au sens de l'article 35 de la Constitution qui dispose que : « Les citoyens chargés d'une fonction publique ou élus à une fonction politique ont le devoir de l'accomplir avec conscience, compétence, probité, dévouement et loyauté dans l'intérêt et le respect du bien commun », affirme la juridiction constitutionnelle

La Cour constitutionnelle du Bénin précise dans sa décision que tous « les actes qui résultent de la mise en œuvre du protocole additionnel de la CEDEAO A/SP. 1/01/05 du 19 janvier 2005 sont non avenus à l'égard du Bénin.»