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Bénin: la solution Talon contre le kpayo

Bénin: la solution Talon contre le kpayo

Le gouvernement béninois, dirigé par Patrice Talon, prévoit une stratégie à double volet pour lutter contre la vente de l’essence dans l’informel (''kpayo'') : appliquer avec fermeté le nouveau code pénal voté début juin 2018 et prendre des mesures d’accompagnement pour soutenir les acteurs d’une activité vieille de quatre décennies déjà.

Le gouvernement béninois, dirigé par Patrice Talon, prévoit une stratégie à double volet pour lutter contre la vente de l’essence dans l’informel (''kpayo'') : appliquer avec fermeté le nouveau code pénal voté début juin 2018 et prendre des mesures d’accompagnement pour soutenir les acteurs d’une activité vieille de quatre décennies déjà.

lutte contre le kpayo Comment Talon veut mettre fin au phénomène de la vente de l'essence dans l'informel

 

Le Bénin se dote d’une arme juridique de lutte contre la vente de l’essence (frelatée ou de contrebande), dans l’informel. Début juin 2018, le Parlement a adopté un projet de loi portant code pénal en république du Bénin, qui pénalise le commerce illicite du carburant. C’est un texte de plus de 1000 articles qui interdit «le commerce des carburants, notamment : essence super, essence tourisme, pétrole, gasoil, mélange deux temps, ainsi que celui des lubrifiants aux abords des rues dans les agglomérations, et tout endroit autre que dans les dépôts et installations de la Société nationale de commercialisation des produits pétroliers ou des distributeurs agréés sont rigoureusement prohibés». Le projet de loi, adopté, n’est pas encore entré en vigueur. Mais déjà une question sur toutes les lèvres. La stratégie de la pénalisation sera-t-elle efficace contre une activité qui a la vie dure ?

Difficile à abandonner

Débutée dans les années 70, le commerce de l’essence dans l’informel, appelée ''kpayo'' est devenue une véritable filière autour de laquelle s’est développée toute une économie.

«Aujourd’hui, cette activité fait vivre au bas mot, 100 000  familles. Ce qui nous amène peut-être à 700 000 voire 800 000 personnes. Ensuite, l’existence de cette activité permet à 80, voire 90%, des Béninois de se ravitailler à bon prix en carburant. Les carburants ''kpayo'' sont à ¼ voire  1/3 moins chers que les carburants à la station», fait savoir le professeur Noukpo Agossou, enseignant à l’Université d’Abomey-Calavi (UAC) au Bénin. Spécialiste d’organisations régionales et de développement économique, il a mené plusieurs travaux de recherches sur la vente du ''kpayo''. «Ce commerce d’essence n’est pas une activité qu’on peut abandonner aussi facilement», insiste Rafiou Djedjelayé, vice-président d’une association de vendeurs d’essence ''kpayo''.  Comme pour ressortir l’inefficacité des mesures coercitives contre le ''kpayo'', le professeur Agossou, rappelle «qu’à part les premières années de l’existence de cette activité, quelques années plus tard, les différents gouvernements successifs ont entrepris avec plus ou moins d’insuccès de lutter plus ou moins farouchement contre l’introduction des produits pétroliers.

La période la plus marquante est celle du PRPB, c'est-à-dire le gouvernement dit révolutionnaire de Kérékou. (...) C’était un gouvernement militaire et totalitaire à parti unique, à pensée unique avec tout le dispositif sécuritaire en place n’a pas réussi et a dû laisser tomber.»

Que faire alors face à une activité, qui malgré ses fonctions socio-économiques, et mêmes politiques, présente d’énormes risques sanitaires et environnementaux ? «Là maintenant, nous savons  qu’il y a un arsenal législatif qui permet d’entreprendre dans la légalité. Mais cela ne suffit. Lorsqu’on prend une loi, il ne faut pas oublier les mesures d’accompagnement et l’applicabilité», répond le professeur Noukpo Agossou.

Le bâton et la carotte

Le régime Talon, qui fait montre de fermeté dans la conduite de plusieurs réformes, semble avoir compris la délicatesse du dossier ''kpayo''. Dans la communication gouvernementale, la question des mesures d’accompagnement est plutôt mise en avant. «Nous allons combattre la contrebande, mais nous n’allons pas combattre l’activité», annonçait le chef de l’Etat, Patrice Talon, fin juillet, dans un entretien télévisé diffusé la veille de la célébration de la fête de l’indépendance.

Le président béninois explique que deux problèmes se posent avec le commerce du ''kpayo''. Ce sont notamment l’usage d’équipements de stockage et de vente inappropriés et la source d’approvisionnement qu’est la contrebande. Contre ce second problème, la loi sera appliquée la loi avec fermeté. Mais pour résoudre le premier, le gouvernement Talon a opté pour des mesures d’accompagnement, dont la mise en place de mini-stations qui seront cédées à des prix subventionnés aux acteurs actuels du secteur.

Depuis son avènement au pouvoir en avril 2016, l’ancien homme d’affaires, Patrice Talon, a réussi bien de réformes contre lesquelles ses prédécesseurs ont butées. Parviendra-t-il à mettre fin au commerce du ''kpayo''? C’est un challenge pour celui qui veut être «porté en triomphe» par les Béninois à la fin de «son mandat unique».

Note de la Rédaction: cet article fait partie de notre dossier Essence kpayo: Bénin, l’arbre fétiche de la contrebande